C’est complexe d’avoir une équipe réellement agile

Posted By on Jan 26, 2012


Me voilà de retour à la maison, verre de vin à la main, en train de repenser à toute la générosité de François Beauregard à sa présentation de ce soir à Agile Montréal.  La phrase-choc du jour : « le leader a l’organisation qu’il mérite ». Électrochoc.

Les organisations n’ont jamais été aussi complexes. Les sujets de réflexion sont complexes, les situations sont complexes, et au centre, les gens sont uniques. Chaque être humain a ses limites et sa façon de réagir. Paradoxalement, je vais tomber dans le piège de la simplification, mais je me lance quand même dans cette piste réflexion, je verrai plus tard si elle me mène quelque part.

Dans le coin Rouge, certaines personnes réagissent bien à l’Agilité. Pour certaines, dont moi et la plupart de mes collègues coach, la découverte de l’Agilité est un grand « AAAAAAAHHHHH, enfin! », une découverte d’une façon rigoureuse et naturelle de gérer les projets, en se rapprochant du « gros bon sens ». Le fameux « Inspect & Adapt » de l’agilité, apprendre par l’expérience, s’améliorer de façon continue : voilà qui est sain! Ces personnes, on n’a pas à les convaincre, on a souvent l’impression qu’ils sont tombés dedans étant petits. Par l’agilité, on les sort d’un marasme vécu pendant plusieurs années à chercher leur bonheur dans le travail. Ils n’ont jamais été heureux à faire ce qu’on leur demandait de faire, parce que soyons réalistes, « c’est la meilleure façon de se tromper, les gestionnaires sont loin du terrain ».

Dans le coin Bleu, d’autres réagissent très mal. Peut-être est-ce ceux qui ont été conditionnés toute leur vie à avoir la bonne réponse à la question en échange d’une étoile? Toujours est-il que ce sont des personnes qui sont moins tolérantes au risque, qui ne se permettent pas les erreurs, qui aiment voir venir les problèmes avant qu’ils arrivent. Ce sont des personnes qui sont confortables à se faire dire quoi faire, parce que soyons réalistes, « ce n’est pas ma faute si c’est pas sur la bonne chose que je travaille, mon patron m’a dit de le faire ».

Ces personnes du coin Bleu ont du mal à être interpelés par l’agilité, et surtout par des coach Agiles « naturels ». Certains « naturels » ont du mal à imaginer que les autres ne trouvent pas ça génial. Je le sais, je l’ai fait longtemps. Dans ce contexte où les coachs ont des valeurs tellement aux antipodes des gens qu’ils accompagnent, arrivera-t-on à construire un pont pour l’Agilité (la vraie, pas la simili sans viande) au-dessus du fossé entre les convertis et la masse d’adoption?

Selon moi, là est toute la beauté des méthodes empiriques : elles sont là pour s’adapter à n’importe quelle équipe. Et surtout, à ses équipiers. Mais ça demande tout un travail qui ne s’accomplit pas en quelques semaines, il faut prendre le temps et ne jamais cesser de se poser des questions. Et ça prend de bons guides. Des empêcheurs de tourner en rond. Et des gestionnaires compréhensifs qui se concentrent sur autre chose que la performance et l’efficacité et l’extinction de feux.

Quelle est la meilleure façon pour que chacun, avec toute sa complexité et toute sa personnalité, s’accomplisse dans son travail? Comment les amener tous « on the edge » afin qu’ils soient challengés de façon constante? Ce sont là des questions qui sont très loin du « comment faire augmenter la vélocité de mon équipe? »; ce sont les questions que j’aurai en tête tous les jours.

Je ne pense pas trouver de réponse aujourd’hui, ni demain. Mais comme on le sait en lisant sur les « powerful questions », la question est tellement plus importante que la réponse…

3 Comments

  1. Je n’y étais pas à la présentation de François Beauregard, j’aurais dû et à la lecture de ce billet j’en suis doublement convaincu.

    Je suis encore nouveau à la discipline agile et je crois que c’est tout un défi: il faut beaucoup de rigueur pour arriver à briser le moule, à «continuellement» se poser des questions, mais surtout à mesurer l’impacte de nos décisions.

    Étrangement – ou non – il y a deux livres que je lis présentement qui me ramène continuellement à l’agilité.

    The Smart Swarm de Peter Miller où il est question de quelque chose qui me semble centrale à l’agilité: Diversity of Knowledge. Mais à quel point «The Smart Swarm» s’applique vraiment à l’agilité m’est encore obscure, peut-être même qu’il n’y en a pas – surtout si on parle d’une équipe de développement logiciel… En lien avec votre billet, je me demande quelle est la place de la diversité de connaissance dans une équipe agile? Ou plutôt, jusqu’où peut-on pousser et profiter de la diversité de connaissance des membres d’une équipe? Étant limité en nombre de membre d’une équipe agile (7 ± 2), l’erreur ne pouvant pas être annulé par le nombre, y a t’il un danger dans le modèle de développement logiciel agile? Dans «The Smart Swarm» le nombre est tout aussi important que la diversité de connaissances.

    Le deuxième livre, Pragmatic Thinking & Learning de Andy Hunt, présente entre autres le modèle de Dreyfus et ces 5 stades; de novice à expert. Chaque membre d’une équipe agile peut être à l’un ou l’autre de ces stades dans une ou plusieurs compétences nécessaires dans le fonctionnement d’une équipe – qu’elle soit agile ou non. Je ne parle pas nécessairement de compétences techniques, mais sociales aussi/surtout. «L’agile» est un réacteur de compétences sociales – littéralement où fusion et fission peuvent survenir.

    «Et ça prend de bons guides.» Et comment!!! J’ai cru que l’agilité venait de soit… Mais l’agilité, pour fonctionner, demande une vision commune.

    Comment générer une vision commune? Comment savoir qu’une vision commune existe? Si t’en est qu’une vision commune est un pré-requis à la réussite d’une équipe, est-ce que cette question ne devrait pas prévaloir à toutes les autres?

    Si la question est plus importante que la réponse, nous devons savoir se les poser. Cela tient-il plus du savoir ou du courage? Et si on ne peut pas changer les autres, qu’est-ce qui peut amener les autres à vouloir changer? À vouloir adopter les «mêmes valeurs»?

  2. Merci beaucoup pour votre réflexion! Et merci pour les références, je vais y jeter un coup d’oeil.

    Votre questions sur la diversité des connaissances est intéressante. Pourquoi serait-ce un enjeu? En agile, nous avons des équipes pluri-disciplinaires, ce n’est pas l’opposé de la diversité. Au contraire, je pense qu’une équipe parfaitement homogène n’arrivera probablement pas à avoir une vision globale suffisante pour prendre des décisions bien éclairée. Je ne saisis peut-être pas bien votre point?

    Et pour la vision commune, je crois en effet que c’est un pré-requis à tout démarrage de projet. Un propriétaire de produit, une équipe et une vision partagée. Tout le reste se construit après!

  3. Rebonjour!

    «Pourquoi [la diversité des connaissances] serait-ce un enjeu?» En fait je me rend compte qu’au moment où j’ai écrit mon commentaire, il y avait deux aspects auxquels je m’interrogeais. L’environnement et les limitations du nombre. Il m’apparait maintenant nécessaire de rectifier le tir – disons que c’est une pensé en évolution.

    D’une part, je me questionne sur l’environnement – l’équipe. Plusieurs qualités humaines doivent être présentes chez chacun des membres de l’équipe. (À ce sujet j’ai bien aimé la présentation «Trial, error and the God Complex». Et aussi «Les cinq dysfonctions d’une équipe» de Patrick Lencioni) Oui, l’humilité, mais aussi un bon égo. Il n’y a pas beaucoup de place à l’auto-censure dans une équipe agile. On doit aussi accepter que la meilleure solution n’apparaisse pas du premier coup. Mon point, c’est surtout que tout ça n’est souvent pas acquis. On ne nous apprend pas nécessairement à être un bon «team-player» ni ce qu’est un bon «team-player».

    Pour ce qui est de «limitations du nombre», après mûres réflexions, c’est la mauvaise question que je me posais (Est-ce que le nombre d’individu est important?). «Comment puis-je aider l’équipe?» serait peut-être une meilleure question (je la trouve trop vague, mais pour le moment elle sert mon propos). Ce qui je crois remmène à votre commentaire initiale. Dans un coin nous avons ceux qui disent «oui», et en quelque sorte ils disent aussi «Voici où je veux être.» Et dans l’autre coin il y a ceux qui disent «non» ou «Je ne me sens pas bien là dedans». Au bout du compte, chacun doit lui-même être interpellé. Les méthodes empiriques peuvent-elles vraiment « s’adapter à n’importe quelle équipe.»?

    Si les individus n’acceptent pas les principes d’introspection et d’adaptation inhérent aux méthodes agiles, celles-ci ne sont d’aucun secours. Je parle ici «d’introspection» parce que je crois que pour s’adapter, il ne suffit pas de regarder le résultat obtenu (comme j’interprète le terme «Inspect») pour pouvoir s’adapter. Il est aussi nécessaire de comprendre pourquoi nous avons obtenu ce résultat. Et que pour obtenir un résultat différent, notre comportement doit être modifié.

    Donc, pour moi, tout part des individus. Pas de la méthodologies. Il doit y avoir une prise de conscience. Et à partir de là «ça prend de bons guides. Des empêcheurs de tourner en rond.» pour montrer le chemin; les comportements qui favorisent le changement.

    J’espère avoir mieux tenu mon propos… Et si on ne peut pas « les amener tous « on the edge » afin qu’ils soient challengés de façon constante », on peut piquer leur curiosité pour qu’ils osent au moins jeter un coup d’oeil dans cette direction.

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